« Offshore » de Renaud van Ruymbeke.
A lire, à offrir.
Juge d’instruction au pôle financier du tribunal de Paris depuis plus d’une vingtaine d’années, Renaud Van Ruymbeke, aujourd’hui retiré des affaires, sort de sa retraite et publie « Offshore », un livre-enquête sur le monde secret de ces paradis fiscaux qui assèchent les Etats, les privant des ressources nécessaires au maintient des services publics.
Edité aux « Liens qui libèrent » OFFSHORE nous fait visiter les coulisses le l’évasion fiscale, « fiduciaires » et « trusts », mécanismes et experts en montages frauduleux concoctés par des cabinets de conseils et mis à disposition des banques pour échapper aux impôts des Etats; « offshore » désignant ces îlots « au large des côtes » mis en place par les Etats eux-mêmes (surprenant paradoxe) pour faciliter des opérations devant rester secrètes (ventes d’armes, rétro-commissions, commerce avec des chefs d’Etats corrompus, (« Les biens mal acquis » …), des voies toutes tracées et rapidement empruntées par tout ce qui relève du grand banditisme, trafics mafieux, ou utilisées fort opportunément par de grandes entreprises et de richissimes individus souhaitant éviter toute taxe ou s’affranchir de la soumission à l’impôt.
Nombreux sont ces îlots « au large des côtes ».
La Déclinaison « Offshore » qui illustre ce post n’en rend compte que partiellement.
La Russie bénéficie de plusieurs paradis fiscaux, traditionnellement Chypre et Malte mais depuis l’avénement de la numérisation, l’argent dématérialisé se déplace à grande vitesse dans sa course poursuite avec le gendarme régulateur : l’Etat. Aujourd’hui, Dubaï serait le repaire le mieux protégé pour les oligarques russes.
La Suisse a quelque peu perdu de sa superbe depuis son bras de fer avec les Etats Unis mais l’Europe dispose sur son territoire de plusieurs autres places intéressantes pour abriter l’argent anonyme … le grand duché du Luxembourg, qui affichait encore il y a peu, une carte de visite dés plus engageante, avec un premier ministre (Jean-Claude Juncker)* longtemps personnage éminent de la très honorable commission européenne.
L’Angleterre avec la City (Londongrad), reste la référence en ce domaine. Un Etat dans l’Etat qui aujourd’hui encore fait la nique au Delaware, Etat fiscal « avantageux » des Etats Unis avec à sa tête un gouverneur éminent : Joe Biden himself.
Pour connaitre la carte complète de ces places offshore et le poids que représente les sommes d’argent ainsi détournées du circuit économique mondial, lisez le livre OFFSHORE.
C’est clair, de lecture facile.
Ces nombreuses expériences d’un enquêteur de terrain ne peuvent se résumer ici dans un post.
Dans « OFFSHORE » le juge Van Ruymbeke rend compte de son délicat métier confronté à une délinquance en col blanc « nommée » par le pouvoir politique.
OFFSHORE rappelle la résistance de la profession avec l’appel des juges, leur juste collaboration au niveau européen, souligne l’importance des lanceurs d’alerte soutenus par la presse d’investigation.
A l’évidence, ces zones de non droit existent toujours.
Le juge rappelle ses lointains démêlés avec le monde politique, accusé d’être de gauche lorsqu’il enquêtait sur les emplois fictifs du maire de Paris Jacques Chirac, accusé d’être de droite lorsqu’il enquêtait dans l’affaire Elf sous la présidence de François Mitterand.
Avec l’affaire Cahuzac, c’est le politique lui-même qui s’est immolé sur la place publique, mettant un coup d’arrêt brutal à l’hypocrisie de certains élus.
Renaud Van Ruymbeke reconnait que sans l’intervention de techniciens travaillant dans la finance rien n’aurait filtré des banques sur les détournements de fonds vers les paradis fiscaux. Grâce aux lanceurs d’alerte (Hervé Falciani, Antoine Deltour), la presse d’investigation a pu enquêter de concert, déchiffrer l’opacité de ces montages, rendre transparent aux yeux du monde les circuits empruntés, dévoiler les banques, les organismes et les personnes incriminées (Panama Papers, Luxleaks, Paradise Papers, Dubaï Papers).
Malgré les difficultés rencontrées lors de ses enquêtes, malgré l’offensive toujours aussi constante des cabinets conseils à construire des méandres toujours plus sophistiqués et opaques à toute investigation, malgré des Etats sourds à toute judiciarisation, le juge reste optimiste dans ses conclusions.
Renaud Van Ruymbeke évoque le principe de réalité. Face aux détériorations des services de santé, de l’éducation, de la justice, de la diplomatie, des armées , face aux problèmes énergétiques et environnementaux … les Etats vont être confrontés à plus d’exigence, contraints à mettre en place les moyens nécessaires et indispensables pour « faire société » et éviter … le chaos.
Ces premières ressources se trouvent là, pas très loin, à quelques encablures, « au large des côtes ».
Nécessité fait loi.
Alors, réaliste Renaud Van Ruymbeke ou utopiste ?
*Tax ruling, voir aussi Margrethe Vestager dans la Déclinaison « Héroïnes modernes »
Hervey
Offshore en débat sur le blog de Paul Jorion.
Hervey
Où l’on peut voir que ce n’est pas gagné !
Gaïa a du soucis à se faire.