De l’île de Jersey au Duché de Luxembourg ou les périples d’un lanceur d’alerte.
Authentique récit des aventures d’un Tintin franc-comtois dans les tanières de la finance offshore : Espionnage, Jet Set, affairisme et organisations secrètes pour décrire un monde opaque qui pavane, s’ennuie à mourir mais vampirise le sang de l’économie-monde.
Un business téléguidé directement des grandes capitales. Oups !
Bien que proche des cotes françaises, l’île de Jersey reste tournée vers l’Angleterre et dispose d’un statut particulier depuis 1066, date de la bataille d’Hastings qui fit du duc de Normandie, le roi d’Angleterre.
Pour consolider ce lien et arrimer ces iles ensembles, l’Angleterre a depuis ce jour, octroyé à Jersey et aux iles Anglo-normandes un statut particulier, une Constitution sur mesure, faite de privilèges exorbitants inscrits dans des lois en rien comparables aux autres pays européens. A Jersey les riches ne paient pas d’impôts, seuls les plus pauvres y sont assujettis. Jonathan Swift aurait pu en faire un conte … ce qui n’empêche pas ce petit territoire de 120 km2 et de 100.000 habitants de faire parti de l’Union Européenne. Un accommodement qui fait perdurer l’idée « qu’il faut que tout change pour que rien ne change ».
Si le Gulf Stream qui baigne les cotes de Jersey en fait un petit paradis, les lois qui régissent son organisation en font un régime féodal, très hiérarchisé, verrouillé, inéchangeable.
De bas en haut de la pyramide s’empilent les « expats » (expatriés) divisés en « quals » et « no quals », qualifiés et non qualifiés, à savoir notaires et avocats fiscalistes (indispensables et à demeures) et les petites mains accourues de pays proches ou lointains.
Tout en haut les « beans » ou jersiens de souche : ultra minoritaires, occupent les postes de commandement, originaires et seuls propriétaires du patrimoine immobilier, une caste qui ne partage rien, disposant d’une justice aux ordres. En cas de conflit pour une broutille avec un « beans » c’est la prison assurée pour le malheureux « expats ». Saudi Arabia in the Channel.
L’auteur du livre, Maxime Renahy, explique dés les premières pages le fonctionnement d’un fond d’investissement, sa structure complexe, ses empilements successifs sur le mode des poupées russes difficile à suivre dans leurs déplacements, ses Limited Partnership supervisées par un General Partner domicilié dans l’ile (Jersey ou autre place offshore) mais prenant ses ordres ailleurs, sur le territoire où sont situées les entreprises visées, objet de prédation des investisseurs. Dans ce cas, le jeu consiste à maquiller la comptabilité par diverses opérations frauduleuses en fonction des interprétations possibles des lois existantes sur les territoires et de celles régies dans l’ile en question. Des procédés de fausses facturations scellent le montage, permettant de justifier une opération offshore (en dehors des lois du territoire). Pour ce service de conseils (tordus, j’ai pas tout compris…);-)) est versée une rémunération appelée carried interest. Mécanisme rendu possible par l’existence de ces paradis fiscaux aux conditions susdites couplé à un genre d’évaporation ou fuites laissées à dessein dans quelques recoins de la tuyauterie des Etats, par lesquelles tous les organismes de pouvoir du monde s’en autorisent l’usage, rétro-commissions lors des ventes d’armes, financement des campagnes électorales …. privilèges d’Etats, mais pour eux seuls et à discrétion.
La multiplication des échanges liée à la mondialisation du commerce que l’on peut dater de 1989 (effondrement du bloc soviétique), a ouvert en grand le marché mondial, multiplié de part le monde la circulation des capitaux et attisé la concurrence et la captation de parts de marché pour les grandes entreprises internationales. Dans cette course commerciale, le coût du travail fut une variable d’ajustement tout autant que la réduction des taxes et des impôts permettant de libérer de la « fraiche » afin de doper les centre de production de ces entreprises, leurs rendements, leurs bénéfices, donnant au plus gros et au plus malin ou avisé, le champs libre. Le droit international et la finance étant au coeur du dispositif, tous deux furent sollicités et répondirent « présent » pour relooker et fuseler la machine, la rendre plus performante …
Le monde de 2019 découvre chaque jour les conséquences désastreuses de cette course effrénée et s’inquiète à juste titre de voir surgir des problèmes sanitaires et humains dans des pays riches, et partout des dégâts sur l’environnement aux conséquences multiples, mettant en péril une grande partie de l’humanité alors que les moyens pour y parer font défaut, absents des caisses des Etats, enfouis dans ces paradis fiscaux mais insaisissables, hors de portée.
Pour avoir vu et perçu avant nous ce délitement, l’auteur nous livre le récit de son parcours, en service commandé volontaire, infiltré dans ce monde opaque du renseignement ou tout est à double sens. Une tâche difficile, tragi-comique pour ce nouveau Candide, immergé dans un monde suspicieux et complotiste à souhait d’autant que celui qui présente ses services le fait dans la gratuité et se montre animé par des valeurs morales.
Un éclairage rare et fin sur l’ile de Jersey et le duché de Luxembourg, vu de l’intérieur.
Préface d’Eva Joly.
Au fil des informations fournies à la DGSE, il s’interroge, se demande pourquoi, en haut lieu, on fait si peu cas de ses révélations. Il découvrira que tout est politique, rapports de force, que tout se négocie en fonction du pouvoir des parties en présence (La Fontaine). A méditer.
Une lecture très enrichissante (et amusante) sur notre monde, finance et pouvoir, imbrications politiques, l’ensemble servit dans un style limpide. Une vision juste des choses, celle de l’auteur dont il faut saluer la fraicheur !
Connaissez-vous la première chaine d’évasion fiscale ?
Hervey
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