Mantegna en sa gloire.
Troisième épisode
La vie d’un peintre a tout du singulier parcours du cheval et de son cavalier lors d’un concours hippique. A eux d’affronter, négocier et survoler le franchissement des différents obstacles.
Après les années d’apprentissage, l’artiste affirmera son existence en proposant d’illustrer au mieux ce que souhaite ou désire son temps et ses commanditaires. Selon les circonstances et ses aptitudes, il sera suivi et plébiscité par ses contemporains. Ce fut tout de suite le cas pour Andrea Mantegna, un temps différé pour Giovanni Bellini.
Une ascension fulgurante, une constance tout aussi remarquable dans la qualité de sa production, c’est ce qui caractérise l’oeuvre et la vie de Mantegna.
Sa ville Padoue n’est pas un lieu neutre et sans histoire.
Elle fut la ville de Dante et Pétrarque au XIII et XIV et accueillera des personnalités telles que Giotto, Cennino Cennini, Fillipo Lippi, Paolo Uccello, Donatello… et dans ce climat d’effervescence où Venise commerce avec Constantinople, où l’on a de cesse de vouloir faire ressurgir les grandeurs passées grecques et romaines, tout ce qui y concours est plébiscité dans une ferveur quasi religieuse.
Nous savons par des correspondances liées à ses commanditaires que Mantegna travaillait lentement.
Déjà, dans le principe de la technique « a fresco », si l’exécution se doit d’être rapide, le travail préparatoire est long et minutieux. Justement c’est sa façon de travailler, aller jusqu’au détail le plus infime et y débusquer la beauté, soucis constant dans son travail et sa production. Les conditions semblaient donc remplies pour faire de lui un excellent graveur et Mantegna fut un excellent graveur au point que Vasari lui attribua à tort l’invention de la gravure sur cuivre.
Montegna compris aussi très vite l’usage qu’il pouvait faire de ces techniques de reproductions pour diffuser et faire connaitre son travail.
Ces dessins et gravures feront l’admiration d’Albert Dürer et de nombreux autres collectionneurs pouvant ainsi acquérir des oeuvres du maitre à des prix abordables.
Vers 1460 Mantegna s’installe à Mantoue, invité à la cour des Gonzague. Il devient le peintre, l’architecte, le conseiller du Palais. Il sera reconduit dans ces fonctions par tous les héritiers de la cour et y restera jusqu’à sa mort.
Sa renommée ne fera que grandir, ces titres honorifiques se traduisant par des titres de noblesse. Avec Mantegna, « l’artiste » prend une place nouvelle dans la société, quelques années plus tard Léonard de Vinci en complétera l’image et la fonction.
Il réalise « a fresco » et « a secco » dans le Palais Ducal ce que la cour de Milan qualifiera avec fierté comme étant à juste titre « La plus belle chambre du monde » : « La chambre des époux » (chantier de neuf ans pour cette oeuvre monumentale).
Une partie importante de sa production s’est perdue ou fut détruite et n’a pu nous parvenir. L’espace volontairement court et restreint de cet article y participe, réduisant son oeuvre à seulement trois visuels (désolé).
« La déploration du Christ mort » montre d’une manière saisissante l’inventivité du peintre et ce renouvellement dans la représentation du sujet religieux. Réalisme et cadrage étonnant dans cette perspective plongeante… c’est du Mantegna ! Toujours à tempera, se représentant lui-même dans la figure au gauche du tableau. Hans Holbein se souviendra de Mantegna.
En 1490 rentré d’un court séjour à Rome pour une commande pontificale, Mantegna retrouve sa charge à Mantoue et sa nouvelle protectrice la ferraraise Isabelle d’Este jeune épouse du Marquis. Dans cette société lettrée, la mythologie est devenu un sujet à la mode. Les peintres et fabricants d’images innovent et illustrent leurs temps en empruntant de nouveaux codes.
Le portrait, beau et flatteur demeure un objet très prisé des puissants. Si Léonard de Vinci est très sollicité pour venir faire le portrait d’Isabelle d’Este à Mantoue (il n’en fera qu’une esquisse au grand désespoir de la belle) Mantegna se verra refuser le sien (sans doute trop réaliste). La marquise avide de prestige lui renouvellera toutefois sa confiance par des commandes exigeantes et ciblées.
Le tableau intitulé « Le Parnasse » est une transposition du couple princier dans ce nouvel espace mythologisé où se projette l’esprit nouveau. Bien d’autres oeuvres du peintre entreront dans le « studiolo » de la marquise.
Malgré sa renommée et ses chefs d’oeuvres, Andrea Mantegna quittera ce monde, endetté. Endetté par les frais d’une vaste « Maison d’artiste » (la première du genre dans l’histoire de la peinture) demeure personnelle et indépendante, genre de Musée de forme carrée de 25m de côtés, destiné à exposer sa collection d’art ancien, assoir son prestige et celui des Gonzague, équivalent d’un Palais des Arts, d’une fondation toute à sa gloire, symbole du beau, du bien et du vrai.
Prochainement Giovanni Bellini.