En 2019 Gaspard Koenig et la jument Destinada entreprennent de faire le voyage que fit Montaigne (à cheval et en diligence) de chez lui jusqu’à Rome (1580-81) en passant par la Suisse puis l’Allemagne jusqu’à Ausbourg, descendant vers le sud et traversant l’Autriche puis l’Italie du nord, sur les chemins des Apennins et de Toscane jusqu’à Rome.
Cheminer aujourd’hui avec un cheval en Europe pour relier Bordeaux à Rome sur un espace devenu aussi dense en réseaux routiers est un voyage qui demande en réalité beaucoup d’accommodements au projet affiché.
C’est la première contrainte pour ce carnet de route calqué sur celui de Montaigne qui relate par obligation les multiples contournements et concessions faites au fil des jours pour in fine ne pas devoir renoncer devant les difficultés et coûte que coûte atteindre Rome, la ville au bout du voyage.
Le livre « Notre vagabonde liberté » est aussi une expérience de terrain au plus près de la sociologie des personnes croisées par hasard ou par nécessité, une véritable remontée d’informations sur ce que sont les territoires et par comparaisons ce qui différencie une région d’une autre, un pays d’un autre.
C’est là tout l’intérêt du voyage et du livre, un retour d’expériences qui livre au lecteur une radiographie saisissante et complexe des préoccupations des gens croisés au hasard des rencontres, biens éloignées des remèdes concoctés par les décideurs politiques en place.
Sans surprise l’auteur affiche et revendique ses idées libérales tout comme ses affects pour la philosophie de Montaigne qui bonifient le récit, affecté par une certaine faiblesse de l’auteur peu aguerri à ce type de randonnée au long cours.
Heureusement, l’individu Gaspard n’est pas seul dans cette aventure.
Entouré par toute une équipe, il est suivi étape par étape. Au besoin on le ravitaille, on le dépanne, on le filme, on le photographie, on annonce sa venue partout où il passe, on le protège en usant des avancées technologiques les plus récentes, GPS, météo, smartphone, tablette … on le promotionne, on le publicise, on le vend.
En ces années Covid il est tout à fait de son temps.
L’individualisme forcené de l’auteur se doit de travailler en équipe et de fait, vivre quelque peu en communauté.
Parmi les nombreuses informations tirées de ce voyage, le lecteur retiendra qu’il ne fait pas bon voyager de la sorte en Italie, un pays trop habitué au tourisme de masse où il faut constamment sortir son porte monnaie.
Un livre à découvrir pour revisiter les écrits de Montaigne mis à l’épreuve du temps.
Les commentaires sont fermés.