Inferno : Canto 31

Feuilleton : l’Enfer Chant 31

Le puits des géants : Nemrod, Ephialte, Briarée et l’ascenseur Antée. Samedi saint le 09/04/1300 entre 15h et 16h.

La descente aux enfers se poursuit et avec elle, la marche qui invite toujours à la réflexion. Et, de ce fait, Dante comprend la sévérité puis la clémence des dernières paroles de Virgile. Un sentiment de légèreté irradie son for intérieur venant souligner une fois de plus la belle concorde qui lie les deux hommes, flash instantané sur cette osmose entre les deux voyageurs, instant lumineux en ces lieux inhospitaliers aussitôt ravivés par le bruit assourdissant d’un cor qui lui déchire les tympans et empli la vallée. Effet de contraste renouvelé (une fois encore) dans le sens de la marche qui fait avancer le récit dans un espace-temps nouveau et toujours changeant. Dante, sous le choc, croit discerner dans l’opacité de ce trou noir une cité moyenâgeuse faite de tours et de remparts gigantesques.
Virgile aussitôt tempère cet imaginaire bon enfant et corrige cette émotivité trompeuse.
Non… et à y regarder de plus près, ce n’est pas une ville. Fait plus stupéfiant encore, ce vaste puits encaissé et sombre retient prisonnier les géants qui ont failli renverser les dieux. Ici sont enchainés et cadenassés les géants de la mythologie et des légendes judéo-chrétiens.
C’est Nemrod qui parle une langue incompréhensible, entachée selon les traditions judéo-chrétiennes du mythe de Babel, cette tour construite par les hommes pour parvenir jusqu’au ciel. Dieu pour punir cet incommensurable orgueil divisa les hommes par le langage, rendant impossible l’achèvement de ce projet adamique, initial, commun.
Si l’Histoire des hommes n’est pas simple, ce n’est pas mieux chez les dieux de la mythologie grecques. A quelques encablures de Nemrod se tient Ephialte qui fût tué lors de la guerre des dieux contre les géants par les flèches d’Apollon et d’Héraclés. Lui aussi est effrayant. Il est solidement enchainé. Virgile peut les toiser en toute sécurité. Ces géants prisonniers font parti des vaincus mis au fer dans cet avant dernier sous-sol des enfers. Dante n’en est pas rassuré pour autant car sitôt qu’ils remuent, la terre tremble. Malgré la peur, Dante fait une fois encore preuve d’une curiosité insatiable : il veut voir l’immense Briarée, le plus monstrueux et démesuré des géants, la créature aux cinquante têtes et aux cent bras pouvant manipuler en même temps cinquante sabre et cinquante boucliers. « Top là » lui répond Virgile, nous allons passé par les services du brave géant Antée, fils de Gaïa, qui est libre et parle précise-t-il. Il va nous y conduire. Et quelques instants plus tard Virgile peut s’adresser au géant avec la condescendance requise pour le service demandé. Antée, sans sourciller, du haut de ses 27 mètres, prend délicatement ses hôtes pour les déposer au fond du gouffre sur les bords du Cocyte serré par le gel, sans un mot.
Aussi simple que ça.

Hervey Illustration pour l'Enfer de Dante chant 31

Poco portäi in là volta la testa,

che me parve veder molte alte torri;

ond’ io : « Maestro, di, che terra é questa ? »

Ed elli a me : « Pero che tu trascorri

per le tenebre troppo da la lungi,

avivent che poi nel magiare abborri.

A peine avais-je la tête tourné

que je crus voir beaucoup de tours dressées

et je dis : « Maître, quelle est cette cité ? »;

et lui à moi : « Comme tu veux scruter

à travers les ténèbres de bien trop loin,

tu vas, en supposant, te fourvoyer.*

*Traduction Danièle Robert

Episode précédant.

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