Inferno : Canto 30

Feuilleton : L’Enfer Chant 30

Et les dieux impitoyables rendent fous ceux qu’ils veulent perdre. Junon et les troyennes, Hécube et Polyxène. Falsificateurs et faussaires se mangent le nez et font le spectacle. Attention aux shows de télé-réalité ! Prévient Virgile.

Les dieux sont impitoyables. Rapportant le récit des Métamorphoses d’Ovide, Dante nous rappelle la dévastation causée par la jalousie et les roueries de Junon envers Sémélé maitresse de Jupiter qu’elle poursuit de sa vengeance jusqu’en territoires troyens, apportant le malheur au royaume de son père le roi Priam. Ce sera la mort pour toute sa descendance jusqu’à la trahison de son voisin le roi de Thrace. Un sort terrible et tragique qui se propage de mère en filles et gagne la fratrie de Hécube à Polyxène à Cassandre et qui raisonne dans le monde occidental comme un insupportable cri de douleur remontant du fond des âges.
De ces fils des parques tirés par les dieux, les hommes ont su en imiter les pouvoirs et leurs désastreuses conséquences.
Nous sommes toujours dans la bolge des faussaires et imitateurs en tous genres et c’est le Griffolino déjà croisé précédemment qui instruit Dante sur deux ombres enragées se coursant l’une l’autre. C’est Gianni Schicchi de la famille des Cavalcanti qui avait de tels dons d’imitations qu’il fut sollicité par le neveu retord de Buoso Donati, dénommé Simone, pour prendre sa place sur son lit de mort, afin de tromper le notaire et modifier ainsi le testament en sa faveur. L’autre, c’est Myrrha, légende tout droit sortie des Métamorphoses de Ovide, amoureuse de son père. L’histoire raconte qu’elle parvint à entrer dans sa couche et se faire aimer de lui sous un déguisement. Mais, au bout de la douzième nuit, le roi de Chypre découvrit la vérité et voulut la tuer. Elle erra dans les bois, priant les dieux de la faire disparaitre. Les dieux émus la changèrent en arbre. De cet arbre naquit Adonis
Un autre condamné attire l’attention par son hydropisie « en forme de luth… visage et ventre disproportionné ». C’est Adam de Anglia, le chimiste aux ordres des comtes Guidi de Ramena qui trafiqua le florin or et fut brûlé vif en 1281, furieux de ne pas voir parmi cette assemblée l’un ou l’autre de ses commanditaires. Comme à son habitude, Dante converse avec ce faussaire et demande qui sont ceux qui l’accompagnent. Le faussaire désigne la menteuse Potiphar qui vexée du refus de Joseph, l’accusa de viol et un autre menteur, le grec de Troie Sinon, espion infiltré chez les troyens, pièce maitresse de la victoire des grecs. Les propos peu aménes tenus par le faussaire sur le menteur grec déclenchent une prise de becs entre ces deux oiseaux digne d’un dialogue des tontons flingueurs. « A l’écouter, j’étais là le regard fixe » avoue le poète, aussitôt réprimandé par Virgile lui reprochant de se laisser embarquer dans un spectacle de télé-réalité. En termes choisis, Dante reprend ses esprits et avoue s’être laissé prendre au spectacle (qu’il a lui-même produit).
Moralité : Prenez garde à trop suivre les tweets des présidents !

Hervey Illustration pour l'Enfer Chant 30
Illustration pour l’Enfer Chant 30

E io a lui : « chi son li due tapini

che fumman come man bagnate ‘l verno,

giacendo stretti a’ tuoi destri confini ? »

Et moi à lui: « Qui sont ces deux péquins

qui fument comme en hiver mains mouillées,

et gisent à ta droite tout contraints ? »*

*Traduction Danièle Robert
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