Cendras sans frontière.
Ouvrez les librairies, bordel !
En ces temps de confinements, s’évader par la lecture est plus nécessaire que jamais, l’occasion de voyager immobile en compagnie de Blaise Cendrars, lire ou relire poésies et romans, des « Pâques à New-York » à « Emmène-moi au bout du monde »… les surprises ne manquent pas au détour des pages.
C’est le destin de Fredrik Jenson commandant du transatlantique l’Eric-Juel parlant le tupi avec son boy Fé-Lî au visage défiguré, « une tête de chien, de bouledogue »…
C’est Andréa del Sarto le cordonnier de Pernambouc, une ville où les gens vivent pieds nus…
C’est van Lee, « qui devait subir fin septembre, à l’attaque de la ferme Navarin, en Champagne… la mort la plus effrayante qu’il m’ait été donné d’observer sur un champ de bataille »…
C’est « la luronne » « ô… ô… », la femme à Mick qui venait faire le ménage « au château » une maison surplombant la baie de Marseille au dessus d’Ensuès que Blaise Cendrars avait loué…
C’est « le père François » et ses locataires qui faisait claquer son fouet introduisant une histoire qui s’emboite comme un jeu de poupées russes pour dévoiler la surprenante liaison de Gustave Le Rouge…
C’est l’histoire de Paquita, cette milliardaire atypique, mexicaine, de descendance gitane, s’occupant en secret à construire des boites à poupées de type art brut et se ruinant pour la révolution…
C’est l’infirmière major de l’Hôpital de Chalon sur Marne à qui « je fis faire trois quatre tours de valse chaloupée, chantant
Je n’ai dansé qu’une fois avec elle
et lui disant à l’oreille Adrienne, merci, merci pour nous tous. On vous aime … tous ! »
C’est la rencontre avec Manola Secca le simple qui tient la première pompe à essence quand on sort du sertao (la brousse du Brésil) et qui doit voir passer trois voitures par an. « Je n’oublierai jamais cet homme »...
C’est ce pauvre petit berger des Landes, « petit soldat de rien du tout, un bleuet de la classe 15 qu’un obus avait criblé d’éclats avant même qu’on lui eut désigné sa cagna… »
C’est cette « chère et tendre et belle et douce et roucoulante et ardente Mme Pathmos » à l’hôtel de Noailles, « Tajito ! Cajita ! »
…
Lire Cendrars c’est assurer de faire de belles rencontres en ces temps où tout s’arrête, figures surprenantes et inoubliables posés sur tous les échelons de l’échelle sociale, croisés aux quatre coins du monde, sortis de l’oubli, élevés par la magie de l’écrivain au rang de demi-dieux.
Cendrars raconte ce qu’il voit. Visuel, visionnaire.
Ses récits se lisent comme des bandes dessinées.
Rien d’étonnant à ce qu’il ait croisé et fréquenté tant de peintres.
Les quelques images qui suivent « illustrent » (sans les citer tous) cette fraternité.
Avant de devenir Blaise Cendrars, Freddy Sauser à connu le froid et la faim dans les faubourgs de Pékin, a désespéré dans « Pâques à New-York »…
En cette fin de l’année 2020 d’autres migrants sillonnent eux-aussi le monde, à leurs frais, allant à pieds, dormant dehors, ou s’installant dans l’espace public, délogés (si l’on peut dire) par la police pour l’exemple… C’était cette semaine place de la République à Paris.
Tout un symbole…
En ces temps où l’on est tenu de présenter un Ausweis pour promener son chien (le préfet de Paris est LALLEMENT), lire Cendrars peut nous aider à affronter l’actualité.
Prochainement Cendrars et la musique.