Hommage à Li-taï-pé.

En hommage à Li Bai (701-762) poète chinois.

CHANSON DES NUAGES BLANCS, POUR ACCOMPAGNER UN AMI.

Tous les monts de Chu et de Qin dans les nuages blancs;
Les nuages blancs, partout, vous suivront longtemps.
Vous suivront longtemps.
Quand vous pénétrerez dans les montagnes de Chu,
Les nuages vous suivront aussi pour traverser la Xiang,
Sur l’eau de la Xiang,
Habillé en ermite,
Rentrez vite : vous pourrez dormir sur les nuages blancs.

Li Bai

HOMMAGE DE CHARLES CROS A LI-TAÏ-PÉ

Mille étés et mille hivers 
Passeront sur l’univers, 
Sans que du poète-dieu 
Li-taï-pé meurent les vers, 
Dans l’Empire du milieu. 
  
Sur notre terre exilé, 
Il contemplait désolé 
Le ciel, en se souvenant 
Du beau pays étoilé 
Qu’il habite maintenant. 
  
Il abaissait son pinceau ; 
Et l’on voyait maint oiseau 
Écouter, en voletant 
Parmi les fleurs du berceau, 
Le poète récitant. 
  
Sur le papier jaune et vert 
De mouches d’argent couvert, 
Fins et noirs pleuvaient les traits. 
Tel, sur la neige, en hiver, 
Le bois mort dans les forêts. 
  
Il n’est de soupirs du vent, 
De clameurs du flot mouvant 
Qui soient si doux que les sons 
Que le poète, rêvant, 
Savait mettre en ses chansons. 
  
Aromatiques senteurs 
Dont s’embaument les hauteurs, 
Thym, muguet, roses, jasmin, 
Comme en des rêves menteurs, 
Naissaient sous sa longue main. 
  
À présent, il est auprès 
De Fo-hi, dans les prés frais, 
Où les sages s’en vont tous, 
À l’ombre des grands cyprès, 
Boire et rire avec les fous. 

Charles Cros