Su Shi (1037-1101)
« Dix ans »*
Dix ans vivante effacée séparée de moi
Je n’essaie pas de me souvenir
mais oublier est difficile
La tombe solitaire à des milliers de li
A qui parler de mes pensées ?
Si nous nous retrouvions
vous ne me reconnaitriez pas
Poussière sur mon visage
Gelée blanche sur mes cheveux
Cette nuit j’ai rêvé Je suis à la maison
Vous êtes près de la fenêtre de la petite chambre
Vous brossez vos cheveux
Les larmes coulent sur vos joues
Est-ce que mon coeur aura souffrance
ainsi année après année?
La tombe au clair de lune
l’ombre des pins que j’ai plantés
*Le poète a connu l’épreuve du deuil, très tôt. Il perd sa « Béatrice » et n’oubliera jamais sa petite épousée décédée à 26 ans.
« Lune »
Rivière de lune pour éclairer l’esprit
Rivière d’eau pour purifier la bile
Perle de clarté ronde
reposant dans la coupe de jade du ciel
ma pensée est semblable à toi
pleine lune lisse rivière sans nulle vague
Avec qui pourrai-je danser ?
Le grand Li Po dansait à trois
la lune et lui son ombre et elle
mais je suis seul au fond du Sud
perdu dans un pays malsain
où coule pourtant la fraiche rivière de lune
Comment ne pas avoir l’esprit en paix ?
A mon chevet une jarre de vin
remplie de rosée blanche et fraiche
Je peux m’enivrer seul me réveiller seul
L’air de la nuit est frais et éternel
Je vais écrire un mot au moine Shao
qu’il vienne avec son luth
et joue à la clarté calme de la lune
Nous prendrons la petite barque
et descendrons tous deux vers les rapides.