Populaire la Joconde !

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Léonard de Vinci 1452-1519
Hommage.

Avec le temps, le plus intellectuel des peintres (« la pittura é cosa mentale »), le plus technicien, le plus inventif, le plus surprenant est devenu… populaire, très populaire.
« La Joconde », tableau le plus cher du monde, s’il était mis à prix, est aussi le plus connu, le plus détourné, le plus maltraité et de fait, victime d’une immense popularité.
Méprise ou paradoxe ? Les deux sans doute.

Pour illustrer cet hommage à Léonard de Vinci à l’occasion du cinq centième anniversaire de sa disparition, voici 6 planches remarquables, extraites du livre de David Hancock : « Les incroyables machines de Léonard de Vinci » (ci-dessous).
A voir attentivement.
Pour lire convenablement les textes additionnés aux dessins, faire clic droit sur chaque image et l’ouvrir dans un nouvel onglet ou nouvelle fenêtre à fin d’agrandissement.

Vinci magicien et maitre de cérémonies
Vinci inventeur
Vinci armateur
Vinci mécano
Vinci et la robotique
Vinci et l'aéro-spaciale

Ces 6 planches à dessins résument l’étendue du génie de Léonard. Il faut les consulter pour comprendre cette fascination pour le personnage, tout aussi présente et réelle chez ses contemporains du seizième siècle.
Précisons encore son intérêt pour la musique (composition et instruments) sa passion pour les nuages … ses observations sur l’eau… et ses compétences en matière d’hydrologie maintes fois sollicitées par les villes de Milan ou Florence.
Ce récit imagé illustre parfaitement cette insatiable curiosité du peintre qui plaçait l’oeil, la vision et cet art visuel qu’est la peinture, au dessus de la poésie, de la musique et de la sculpture. Enfant, il raconte avoir suivi les recommandations de son grand-père, lui conseillant de toujours« ouvrir l’oeil », de toujours observer la nature pour comprendre ou mieux encore noter avec une plume ou un crayon ces observations, premiers paysages, premiers dessins d’animaux. Une attention constante à son environnement se traduisant de fait par une philia, une démarche amicale et attentionnée envers la nature, le conduisant à acheter sur les marchés des oiseaux en cage pour aussitôt les libérer.
Plus tard, dans son Traité sur la peinture, il reviendra sur les bienfaits de cette méthode recommandée par le grand-père pour en faire l’éloge, noir sur blanc.
« Ne vois-tu pas que l’oeil embrasse la beauté du monde entier ? Il est le maitre de l’astronomie, l’auteur de la cosmographie, le conseiller et le correcteur de tous les arts humains… il a engendré l’architecture, la perspective, la divine peinture, il sert de fenêtre au coeur humain par où l’âme contemple la beauté du monde et en jouit, acceptant ainsi la prison du corps qui sans ce pouvoir ferait son tourment ».
Et de poursuivre, la peinture « l’emporte sur la musique et la domine, car elle ne périt pas aussitôt créée, comme l’infortuné musique, laquelle ne peut donc être appelée que la soeur cadette de la peinture » (codex urbinas, 16 r-v).

Esprit singulier à plus d’un titre, cette singularité court dans toute son oeuvre picturale et ces dons d’observation ne pouvaient que faire merveille dans cet exercice du portrait qui consiste à saisir et rendre sur une surface plane avec les outils rudimentaires du peintre l’image pérenne d’un être vivant.
Nous savons que Léonard était fasciné par le mouvement, que ce soit le vol des oiseaux, la marche des nuages, les tourbillons d’eau, jusqu’au rendu par le dessin des mouvements de batailles …
Saisir la ressemblance, rendre vivante l’image d’une personne, était donc un objet d’étude et un sujet à la mesure de ses recherches.
« La Joconde » est l’histoire fabuleuse de cette curieuse entreprise.
Pour nous, la reconstitution des faits commence avec Vasari, l’un des premiers historiens de l’art.
Dans son livre « La vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes », il note : « Léonard a entrepris de peindre, pour Francesco del Giocondo, le portrait de Mona Lisa, sa femme ». Quelques rares faits rapportés et ayant échappés à l’oubli, nous permettent d’imaginer le déroulement des séances de pose et mieux comprendre cette réelle empathie qu’il partageait avec le modèle ainsi que le souligne Daniel Arras dans son ouvrage sur le peintre. C’est peu mais significatif.
On parle souvent de proscratination à son sujet, de cette forme d’inadaptation au réel. Mais ne faut-il pas mieux voir et comprendre ce gigantesque fossé entre son univers de recherches et les occupations du monde de son temps, avec pour conséquences chez lui ce désintérêt grandissant pour ce que l’on peut nommer « le conventionnel » ou la domesticité des activités journalières ?
Toutefois, le fait est certain, avéré, pour des raisons non élucidés (retards ou autres), le portrait n’a pas été réglé et son tableau « La Joconde » n’est jamais allé chez son commanditaire. Léonard l’a gardé avec ses carnets et ses livres, le trimbalant avec lui dans ses divers déplacements.
Par la suite, une fois posé, il le reprendra, le retravaillera, le chargeant de cette force mystérieuse, jusqu’à doter ce portrait d’une valeur iconique à plusieurs entrées, associant différents codes : le portrait en tant que tel et le paysage in situ qui le pare, la personne en tant qu’être et son mystère, la représentation tout aussi indéfinie de cette féminité, de la « mère » qui porte la vie et donne naissance, suggérant cet autre mystérieux privilège que détient la femme et qu’affiche crûment Courbet dans les origines du monde, ici, « cachées » si l’on peut dire mais révélées par cet imperceptible sourire.
Cet énigmatique et doux sourire qui irradie jusqu’à la fascination, ne serait-il pas ce pouvoir exclusif de donner la vie, perpétuer notre espèce et assurer sa descendance ?!!!
Avec en plus cette part d’auto-portrait qui court étrangement dans l’oeuvre de tout créateur d’images mais encore la propre mère du peintre trop tôt disparue, renvoyant à Marie, la Madone et la lignée de ses nombreuses représentations picturales.
Mon intime conviction comme une évidence, Monsieur le Juge !

Mona Lisa du Louvre
Mona Lisa d’Isleworth

La circulation des oeuvres c’est de l’Histoire événementielle.
La Joconde se trouve depuis longtemps en sécurité au Musée du Louvre grâce à François Premier qui accueillit Léonard en France au chateau d’Ambroise où il a terminé ses jours.
Deux autres Joconde ont leur place dans des Musées.
L’une se trouve au Musée du Prado, l’autre en Angleterre au Musée d’Isleworth.
En ces temps nouveaux où fleurissent de giga données recapitalisées, j’aurais plaisir à imaginer un algorithme nous traçant le parcours de ces deux derniers tableaux sur une carte de l’Europe durant ces cinq cent dernières années, déchiffrant en sus les raisons de ces déplacements … Possible ?

Ici trois peintres, contemporains à Léonard et trois portrait de femme avec ce beau portrait de Marie Madeleine par le Pérugin (1448 – 1523) qui fut lui aussi l’élève de Verrocchio (1435 – 1488), que Léonard a du croiser lors de son apprentissage chez leur maitre commun. L’influence du sfumato de Léonard est frappante.
Un autre très grand peintre, d’une grande longévité (pour le plaisir, le mien surtout, je confesse), Giovanni Bellini (1430 – 1516) avec cet autre très beau portrait de Marie Madeleine. Puis, (pour la pose) ce portrait de Raphael (1483 -1520) où l’on perçoit l’influence de La Joconde de Léonard de Vinci (1452 – 1519), la grâce en moins (la faute au personnage);-)).

Le Perugin Portrait de Marie Madeleine
Giovanni Bellini Portrait de Marie Madeleine
Raphael Portrait de Paddalena Doni-Strozzi

Au cour des siècles qui suivirent le tableau de La Joconde s’est rappelé aux nouvelles générations de manières diverses, respectueuse chez Courbet ou Fernand Léger, volontairement moqueuse et critique chez Duchamp, Basquiat, Bansky.

Gustave Courbet
Basquiat
Bansky

Le monde du Net, ouvert à tous (ou presque), a vu fleurir le genre parodique et cette mode est devenue virale, l’image se déclinant à toutes les sauces avec un goût à géométrie variable.
Phénomène exponentiel, à l’image de nos sociétés de consommations alimentées par le flot permanent des publicités incitatives.
Cette production d’images porte en elle les signes critiques de cet usage mercantile de La Joconde elle-même utilisée par l’institution qui détient cette oeuvre et l’utilise dans son business-plan; un pied de nez au système et son vénérable représentant le Musée du Louvre, pas totalement innocent dans cette affaire, semble-t-il.

Plus sérieusement, on peut encore se rendre à Amboise, au château du Clos Lucé sur les bords de Loire, à pied ou à cheval, par la route, le train ou en surfant sur le www.

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