Michelangelo Merisi dit Le Caravage 3

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Ce turbulent Prométhée de la peinture III

Caravage Autoportrait 3 en Goliath

La société de la Renaissance s’instruit en interrogeant les images peintes, la peinture de cette époque ayant pour mission première d’illustrer la Mythologie et les textes des livres sacrés : Bible, Ancien Testament, Torah.
Caravage a tout juste 24 ans lorsqu’il peint ce « Judith et Holopherne », magnifique peinture qui trouve tout de suite acquéreur en la personne du génois Octavio Costa, banquier du Pape.

Caravage Judith et Holopherne 1600
« Judith et Holopherne » 1600 Galerie Nationale d’Art Ancien Rome


Sous les traits de Judith c’est la belle courtisane Fellide Melandroni qui prend la pose et posera aussi pour « Marthe et Marie-Madeleine ».
Le personnage de la vieille servante qui l’accompagne rappèle certaines caricatures de Vinci vues et conservées à Milan sa ville d’origine.
Ici, dans cette représentation, le temps s’est comme arrêté.
Le temps est suspendu.
Un arrêt sur image saignant et tragique : deux femmes sont venues, missionnées pour sauver tout un peuple, mandatées pour réaliser une exécution en direct.
Tous les éléments du tableaux concordent pour faire de cette représentation un chef-d’oeuvre.
Le cri étouffé du décapité a quelque chose de presque comique qui évite de tomber dans l’atrocité.
Le mélange de raideur, de dégoût et de nécessité qui se dégage de toute la personne de Judith se trouve amplifié par l’attente fascinée de la servante pressée de recueillir la tête du décapité.
Ici, le clair-obscur flamboyant n’a d’égal que la précision fulgurante du dess(e)in.

Autre détail vestimentaire qu’il convient de mentionner, révélé par les techniques de radiographies en usage dans les laboratoires d’expertises : le léger tissu transparent qui recouvre les seins de Judith est un repeint.
Ce « repentir » est intéressant !
Il traduit chez l’auteur du tableau un souci particulier du à une maladresse sur laquelle il convient de revenir.
Ici, la maladresse n’est pas d’ordre technique (une main maladroite dans l’exécution). Non. Il s’agit plutôt d’une pensée maladroite qu’il convient de corriger par plus d’exigence.
Qu’est donc cet énigmatique repentir d’une pensée maladroite ?
C’est la volonté de se mettre en accord avec la ferveur du temps, qui devrait être de tous les temps. C’est une exigence, c’est un geste politique !
J’insiste.
Ce n’est pas un geste de pudibonderie, « cachez ce sein que je ne saurais voir », d’ailleurs, la peinture de son temps est remplie de tétons et Caravage n’est pas du genre à cotiser pour une association de bonne conduite mais… lui et sa famille sont liés à la Congrégation des Oratoriens, mouvance religieuse plus connue sous le nom de Contre-Réforme, un mouvement qui a pour mission de plaider la vérité des Evangiles, de rendre toute sa dignité à l’être humain…
A sa façon, Caravage est imprégné de cet absolu et donc quel intérêt de représenter Judith les seins nus, ce serait détourner l’attention, ce serait faire comme tout le monde, non, le but n’est pas de céder à la facilité, le sujet est un sujet grave. Caravage est aussi peintre jusqu’au bout des ongles, en recouvrant délicatement cette poitrine d’une tunique légère transparente et blanche qui prend la lumière, il monte plus haut les « contrastes de l’image en Haute Définition » sans détourner l’attention du spectateur : le geste de Judith est terrifiant, c’est une scène de meurtre, elle est venue ici en mission, et sa mission n’est pas de montrer ses seins …
Le repeint s’impose.
« Mission accomplie » aussi pour le peintre.

Au final, les seins pointent toujours sous la tunique.
Exigence et ferveur assumée. Beauté dissimulée mais présente.
Splendide flash émergeant de l’obscurité révélant l’un des grands moments de l’histoire de l’humanité !

La suite au prochain épisode

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