Inferno : Canto 29

Feuilleton : L’Enfer chant 29

La vallée gangrénée des charlatans et des falsificateurs. Histoire d’une vendetta familiale. La Jet Set siennoise. Le magicien Griffolino d’Arezzo. Capocchio le faussaire.

Dante sort de cette horrible fosse titubant, éprouvé, le visage fermé, les yeux emplis de larmes. Il poursuit sa route, trébuchant à chaque pas derrière son guide. Virgile, toujours attentif, le rudoie, lui faisant comprendre que le chemin est encore long et qu’après tout, s’ils sont là ces condamnés c’est qu’ils le méritent.
Dante, toujours effondré, avoue avoir reconnu un des siens… du tac au tac Virgile lui répond ; arrête…je l’ai vu ton parent, je l’ai même entendu te menacer. Là, les notes en bas de page sont utiles pour savoir qui est ce cousin nommé Geri del Bello. C’est un guelfe, cousin germain du père de Dante Alighiero di Bellincione, un parent au sang chaud, qui un beau jour serait tombé sur plus impulsif encore, un très colérique de la famille des Sacchetti, et y aurait perdu la vie. 
Ha !
La famille de Dante ne « vengea » ce crime que 30 années plus tard.
Une affaire de vendetta donc, dans la plus pure tradition méditerranéenne.
A l’heure où Dante rédige son Enfer et ce chant 29, personne de la famille de Dante n’a encore vengé le cousin, d’où le regard mauvais et chargé de reproches de ce Geri del Bello à l’encontre du descendant de la famille, Dante Alighieri, toujours en attente « d’un signe » de la famille. Même pas reconnaissant pour la visite du cousin.
Depuis, les sociétés occidentales se sont dotées d’un système judiciaire qui évite le recours à la vendetta, sorte de vacuité laissant aux familles « le soin » d’entretenir la flamme. Dans nos démocraties moderne, les parlements votent des lois et les juges sont appelés à entendre les partis et juger selon ces lois. Un progrès qu’il convient de tenir à jour en permanence !
Après en avoir pris plein les yeux, le moment est venu de se boucher le nez et les oreilles. C’est une odeur putride et pestilentielle associée à d’insoutenables cris de douleur qui accueillent Dante aux abords de cette fosse.
Tout en bas, des êtres gisent à même le sol, atteint de démangeaisons, se grattant douloureusement jusqu’au sang.
Surpris de voir ainsi débarquer deux étrangers, ces gens demandent qui sont ces nouveaux venus. Virgile répond d’une manière un peu saugrenue qu’ils sont en visite (des touristes quasiment) et seraient heureux de pouvoir interroger des latins. Oui, justement celui qu’il interroge et qui n’en finit pas de se gratter est un latin… Griffolino d’Arezzo qui fut brûlé vif en 1272 pour avoir fait croire contre monnaie sonnante et trébuchante qu’il pouvait apprendre à voler dans les airs à un certain Alberto, fils naturel de l’évêque de Sienne (qui devait voler bas). Suivent d’autres jeunes nobles et dispendieux siennois vivant dans le luxe de plus effréné, s’étant rendus célèbres par leurs frasques et leurs excès. Pour compléter cette Jet Set siennoise, Dante est interpelé par Capocchio, un artiste contemporain de Dante, moins connu que Cimabue ou Giotto, qui avait de réels dons pour croquer ses compagnons mais qui fut brûlé vif en 1293 pour avoir trop usé de ses talents de faussaire.

Hervey, Illustration pour l'Enfer de Dante chant 29
Illustration pour le chant 29

E ‘l duca disse : « l’ son un che discendo

con questo vivo giù di balzo in balzo,

e di mostrar lo ‘Inferno a lui intendo. »

Mon guide lui dit : « Quelqu’un qui descend

de corniche en corniche, jusqu’ici

pour lui montrer l’enfer, à ce vivant. »*

*Traduction Danièle Robert.

Episode précédant.

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