Inferno : Canto 23

 

Feuilleton – L’Enfer Chant 23

La fable d’Esope – Filons ! – Le toboggan – Le bal des hypocrites.

Suite à cette échauffourée, Dante et Virgile ont pris la tangente en catimini, et « tel des frères mineurs » marchent l’un derrière l’autre.
Dante pense à la fable d’Esope, le rat et la grenouille. Le troisième comparse de la fable est un volatile qui au final boulottera les deux autres. Bigre ! Digression pour digression l’ami Dante en a des sueurs froides tandis que Virgile marche devant, silencieux.
De concert, ils ont pressé le pas sans qu’il soit besoin de s’en expliquer. Dante espère du maitre des paroles rassurantes. Mais non, mal vu. Bougrement inquiet Virgile.
Là, ça craint. Dante se sent fautif. Il n’aurait pas du demander au français de rencontrer des compatriotes toscans ou lombards, parce que, ce français… quel toupet… plus que fâchés qu’ils doivent être les diables … sitôt qu’ils auront délivré leurs deux comparses, ils vont se jeter à leurs trousses comme des malades et la rage, c’est sur eux qu’ils vont la passer… déjà qu’ils te regardent de travers quand t’as rien fait… Faut se tirer de là au plus vite. Ce qu’ils font.
Virgile, qui est déjà passé par là, se souvient d’un raidillon tout proche, certes abrupt et casse cou mais un sacré raccourci qui permettrait d’atteindre directement la sixième bolge, territoire qui n’est plus sous la juridiction de Barbapoux et son bataillon de diables.
C’est ici !
« La décision était encore à prendre » raconte le poète « que je les vis venir, ailes déployées… » vite ! Prenant Dante dans ses bras et sur son coeur, Virgile se transforme en toboggan. Nul besoin de les pousser… les intrépides voyageurs dévalent alors la montagne et échappent aux diables.
Ils prennent pieds dans la vallée des hypocrites.
Là, des gens curieusement fagotés, tournent en pleurnichant, vêtus d’un manteau doré au dehors mais de plomb au dedans, sous le poids marchant lentement. Contraste.
Dante, curieux impénitent confie à son maitre qu’il voudrait bien trouver parmi ces encapuchonnés un compatriote avec qui causer.
Incorrigible ce poète.
Sa demande est entendue, « Halte-là ! » lui répond en toscan l’un des pénibles marcheurs « qui es-tu », et Dante lui répond « Je suis né et j’ai grandi sur le beau fleuve de l’Arno… « , et vous ? (ils sont deux)… où l’on apprend que l’un se nomme Catalan et l’autre Loderingue, tous deux bolonais, disciples des Frères de Sainte Marie, un ordre religieux et militaire fondé par le pape Urbain IV en 1261 ayant pour mission de lutter pour la paix civile, la foi, la justice et la protection des plus humbles, mais charité bien ordonnée… la mission est prestement détournée, tant et si bien que le peuple les baptisera Frères Joyeux car l’important pour eux était de faire bombance ensemble dans leur petite communauté avec femmes et enfants sans trop s’occuper du reste.
Catalan était guelfe et Loderingue gibelin, mais ici, peu importe les clans, c’est l’or de leur cape qui signe leur véritable appartenance. 
Digressons nous-aussi comme Dante avec Esope, comparons, aujourd’hui nos deux Frères Joyeux ont de dignes héritiers en Cahuzac et Balkany, l’un se dit socialiste l’autre républicain. Ainsi va le monde.
Toutefois, sous Frédéric II, c’est tout à côté d’un grand feu que ces prévenus là étaient placés, revêtus entièrement d’une chape de plomb qui fondait sous l’effet de la chaleur.
Des nouvelles des coupables ? Pas très bonnes.
En suivant la longue file des encapuchonnés, nos voyageurs découvrent à leurs pieds, en travers du chemin, un homme étendu les bras en croix. Etonnement et surprise pour Virgile (le Christ n’est pas encore né). 
Selon l’histoire chrétienne, cet homme étendu à terre et condamné à être piétiné est Caïphe, grand prêtre du Sanhédrin, l’assemblée qui condamna le Christ pour blasphème. Dans la foulée, Ponce Pilate le condamna à la crucifixion pour trouble à l’ordre public.
Virgile peu concerné, interrompt la conversation demandant son chemin aux autochtones qui lui confirment qu’en suivant les éboulis on atteint l’arche qui permet de traverser les bolges contrairement à ce que disait les diables. Enfumé Virgile, pas content. S’en va à grands pas, toujours suivi par Dante.

Nous de-même, en route vers le prochain épisode.

 

 

Hervey, Illustration pour l'Enfer de Dante chant 23
Illustration pour le Chant 23

Rispuose adunque : « Più che tu non speri

s’appressa un sasso che da la gran cerchia

si move e varca tutt’ i vallon feri,

salvo che ‘n questo é rotto e non coperchia;

montar potrete su per la ruina,

che giace in costa e nel fondo soperchia. »

Il répondit : « Plus prés que tu ne crois

est une arche qui de la vaste surface 

part et enjambe les rudes réservoirs

sauf ici où, détruire, elle fait impasse;

vous pourriez à ces gravats accéder

qui sur la pente gisent, au fond s’entassent. »*

Traduction Daniéle Robert.

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