Li Po (701-762) « Buvons et chantons »
ne voyez-vous pas les eaux du Fleuve Jaune descendre du ciel,
et se précipiter vers la mer sans jamais revenir ?
ne voyez-vous pas, dans de hautes salles?
devant des miroirs clairs, les hommes s’attrister face à leurs cheveux blancs ?
à l’aube de la soie noire, au crépuscule de la neige
durant cette vie, quand les choses nous sourient, sachons en profiter,
et ne laissons pas nos coupes en or vides devant la lune
le ciel nous a comblés de talents, employons les mille pièces d’or,
dépensons les toutes, elles reviendront un jour
qu’on cuise un mouton, qu’on découpe un boeuf, réjouissons-nous
et d’un trait buvons trois cents coupes
Tsen Hsun, Tan-chui, buvez, ne vous arrêtez pas
pour vous je vais chanter, prêtez l’oreille et écoutez maintenant
cloches, tambours, mets précieux, n’y accordons pas d’importance,
n’aspirons qu’à une ivresse éternelle, à ne plus s’en réveiller
depuis les temps anciens, sages et saints sont tous sombré dans l’oubli
seul les buveurs ont laissé un nom
quant autrefois le prince Ch’en festoyait au Palais de la félicité,
un vin à dix mille écus faisait monter la joie à son comble
notre hôte dit qu’il manque d’argent ?
qu’on apporte du vin, ensemble buvons
mon cheval moucheté, ma fourrure à mille pièces d’or,
j’appelle un garçon, qu’il aille les échanger contre du bon vin
noyons ensemble la tristesse de dix mille générations.