Itinéraire : de Volgograd à Almaty, tribulations dans le Kazakhstan Express.

Le premier soucis du voyageur, arrivant dans une gare après un long voyage, est de s’assurer de trouver un hôtel et une chambre … ce que s’empresse de faire le narrateur de « L’Empire du vent » avec l’à propos du conteur qui fait court, fait mouche et amuse le lecteur … et, à peine a-t-il le temps de se faire couler un bain, que l’on frappe à la porte de sa chambre.
A l’Hotel de Volgograd.

🙂
« Dehors dans le couloir se tenait une femme corpulente, en robe décolleté sur des bas résille, la tête surmontée d’un chignon aussi haut que précaire »
_ « Vous voulez un massage ? m’a-t-elle demandé en anglais. Faire l’amour, très bon »
… et l’auteur de noter, caustique : « La prostitution est le seul service disponible à l’étage, dans les chambres d’hôtel russes et la vitesse à laquelle elle se présente à votre porte, sans même que vous l’ayez demandée, surprend, dans ce pays où il faut faire la queue pour la majorité des services essentiels. »
Olga (c’est son nom) et Stanley vont sympathiser (en tout bien tout honneur) partageant sur le pouce un bout de fromage et un verre de Vodka en évoquant Dickens et ses héros éponymes …
Deux jours plus tard, alors qu’il cherchait désespérément comment poursuivre son voyage, c’est à nouveau Olga qui viendra à son secours et lui trouvera l’itinéraire et un billet dans le Kazakhstan Express, suivi de quelques conseils.
Mais à Volgograd, il faut absolument prendre un bus et se rendre au nord de la ville sur les bords de la Volga pour découvrir la Mère Russie version russe de La Liberté guidant le peuple de Delacroix, gigantesque monument en hommage à tous ceux qui sont tombés pour défendre la patrie. En 1942, « un million de soldat russes sont morts en défendant Stalingrad, soit plus de deux fois les nombre des habitants de la ville … »
Le Kazakhstan Express.

« On disait que les prostitués, les souteneurs, les dealers et les voleurs trustaient les meilleurs sièges; pour qui n’avait aucun lien avec la pègre, les soixante heures de trajet jusqu’à Almaty s’effectuaient debout. Les passages avaient la réputation d’être ivres et bagarreurs et les chefs de train s’enfermaient à clef dans les fourgons, afin d’éviter les batailles à coups de couteaux. »
Le Kazakhstan Express avait mauvaise réputation : « Ce que j’avais entendu dire ou lu à son sujet décrivait ce train comme un véritable cauchemar. » écrit-il, Olga avait confirmé la chose, et immanquablement une fois à bord du train, « comme on pouvait le prévoir, ma couchette était déjà occupée par quelqu’un qui avait soudoyé le chef de train ». Stanley va devoir partager un compartiment couchettes avec trois femmes. L’écrivain relate la scène avec le talent pictural d’un Otto Dix :
« A six heures du matin elles se sont réveillées toutes ensemble, comme si une cloche avait sonné. Avec un signe de tête dans ma direction, elles ont allumé des cigarettes et commencé à se limer les ongles … elles se sont plongées dans la lecture de tabloïdes russes, consacrés à des récits quotidiens de corruption, de sexe et de violence. Leurs couvertures macabres laissées voir des montages photographiques de cadavres, de dollars américains et d’armes à feu crachant leurs projectiles, tandis qu’un homme tatoué tabassait une femme à moitié nue. »
Stanley Stewart sait aussi engager la conversation et faire émerger par le biais du dialogue des points de vue différents, très différents. Quelques heures plus tard le seul voyageur étranger du Kazakhstan Express est invité à partager le repas dans le compartiment d’un colonel russe voyageant avec sa femme et sa fille. Loin de partager le même engouement pour Gorbatchev et la Pérestroïka que les occidentaux, Papa Ours (comme il l’appelle) rendait Gorbatchev responsable du déclin de la Russie et sa femme Raïssa aurait selon lui, « démantelé le communisme à seule faim de pouvoir acheter ses chapeaux à Paris ».

« C’est le sel de la mer d’Aral, a annoncé Papa Ours en se passant la langue sur les lèvres. Elle est en train de mourir ».
Pour Papa Ours, la planification décrétée sous Staline dans les années vingt pour faire de la région la patrie du coton n’était pas une erreur écologique.
Pour Papa Ours, la sédentarisation des kazakhes n’aurait jamais été un problème, pas plus le remplacement du pâturage au rythme de la transhumance par des fermes d’Etat.
« quand j’ai mentionné les traditions nomades de ces régions, il a froncé les sourcils » …
Pour Papa Ours les nomades étaient : « des gens sans éducation. Incapables de planifier l’avenir. »
Une halte dans la ville de Turkestan pour visiter le mausolée du sheikh Ahmed Yasavi et les ruines de la cité d’Outrar.

Les kazakhes ne sont pas végétariens. Stanley fait une halte à Turkestan pour visiter un mausolée édifié par Tamerlan. Traversant le bazar, il est surpris par des nuées de mouches bourdonnant auprès des étales des bouchers. Typique.
Ces deux images (dessus et dessous) témoignent d’un monde tout en contrastes.

Stanley sous le dôme admirant la voute devant le bénitier dans la fraicheur des lieux
Ce gigantesque chaudron, fondu en 1399, mesure 2,2 mètres de diamètre pèse environ deux tonnes. Il est fabriqué à partir d’un alliage de sept métaux et servait à contenir de l’eau bénite pour les rituels soufis. En 1935, le Tai Kazan a été temporairement transféré au musée de l’Ermitage à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) pour une exposition. Il y est resté jusqu’à son retour solennel au mausolée en septembre 1989.
Le jour suivant « un chauffeur est arrivé et à bord de son antique Lada, nous avons mis le cap vers l’Est sur une route bleue » pour visiter le musée et les ruines de la grande cité d’Outrar ou le peu qu’il en reste.
« A l’automne de 1219, cinquante mille cavaliers mongol, emmenés par deux des fils de Gengis, s’assemblèrent devant les murailles d’Outrar afin de se venger des provocations des turcs de l’Empire khwarezm qui régnait sur un vaste territoire comprenant l’Asie centrale, le Nord de l’Iran, l’Afghanistan et une partie du Pakistan… Outrar fut entièrement brûlé … l’Empire mongol naquit de cette destruction. »
En sa compagnie, nous irons visiter ce Musée que plus personne ne visite ainsi que sur les ruines de la ville détruite qu’aucun archéologue ne fouille.
L’aventurier ne s’arrête pas en chemin ni ne renonce. Il n’a pas fait tout ce voyage pour rien. L’incroyable conservateur du Musée nous fera lui-même la visite, et l’intrépide voyageur affrontera le macadam écorné sous la chaleur du désert, entre Turkestan et Tchimkent, pour ne rien perdre de ce qu’il reste des ruines de la ville d’Outrar.

« Quand je suis arrivé au bord de la fosse, des hordes d’hirondelles, qui avaient colonisé ses parois croulantes, se sont élevées en masse dans un bruissement d’ailes, aussi surprenantes que des fantômes. »
« Les grands conflits historique entre la société sédentaire et la société pastorale, entre la ville et la steppe a été réglé. Les victimes de l’histoire humaine, ce sont les nomades et non les habitants d’Outrar, dans le monde moderne, leur mode de vie est, au mieux anachronique et au pire, condamné », constate-t-il.
Suite du voyage au prochain épisode
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