
La faute à qui ?
ou
LE VER ÉTAIT DANS LE FRUIT
Ils disaient : liberté. Progrès. Marché. Démocratie.
Ils disaient que tout allait de pair,
que l’économie libérée porterait la justice,
que l’entreprise florissante ferait avancer les droits,
que l’abondance finirait par effacer les violences.
Mensonge doux. Rêve fissuré.
Le ver était dans le fruit.
Car le capitalisme n’a pas connu de limite,
il a tout voulu,
la matière, les corps, les désirs, les forêts, les pensées.
Il a mis les lois à son service,
les États à sa merci,
les peuples à genoux,
et les démocraties, complices ou soumises,
ont fermé les yeux
puis ouvert les portes.
Pendant ce temps,
les glaces fondaient,
les océans mouraient,
les insectes disparaissaient,
les forêts brûlaient,
les pauvres fuyaient,
les riches s’enfermaient,
et les dirigeants
calculaient le taux de croissance,
mesuraient la confiance des marchés,
ajustaient les discours.
Mais pas la vérité.
Aujourd’hui, la planète étouffe,
les sociétés s’effondrent de l’intérieur,
les citoyens doutent,
les enfants s’inquiètent,
et les démocraties chancellent,
divisées, paralysées,
polluées par le mensonge,
empoisonnées par le court terme.
Elles n’agissent plus,
elles tergiversent,
elles gèrent l’impossible,
en refusant de le nommer.
Alors reviennent les empires,
les frontières qu’on raye d’un trait,
les annexions qu’on justifie par des mythes,
les conquêtes qu’on impose par les drones.
La Russie dévore l’Ukraine.
Israël écrase Gaza.
La Chine ronge ses mers.
Et certains veulent acheter le Groenland
comme on achète une concession minière.
La force redevient un droit,
et le droit devient un bruit de fond.
Le monde bascule,
et ceux qui auraient pu le retenir
regardent ailleurs.
Les démocraties ont perdu la main.
Elles doutent d’elles-mêmes.
Elles reculent, elles cèdent, elles vacillent.
Car le poison vient de loin.
Il est dans leur ventre.
Depuis longtemps.
Depuis toujours peut-être.
Le ver était dans le fruit.