A cheval de Tsetserleg à Karakorum.
« J’abordais à présent ma dernière étape jusqu’à Karakorum. L’ancienne capitale était à quatre jours de chevauché, vers le sud-est. »
L’itinéraire indiqué sur la carte (ci-dessus : route directe pour Jeep) ne serait pas tout à fait le chemin suivi par Stanley et son guide.
« Le matin du deuxième jours, nous sommes descendus dans la vallée de l’Orklon. »
Les trois cavaliers entrent ici dans des paysages à couper le souffle et chargés d’Histoire.
La vallée de l’Orkhon et ses méandres décris par l’auteur, passe plus au sud que ne l’indique l’itinéraire proposé par Google Earth (au dessus), puis remonte en direction du nord vers l’antique cité de Gengis Kahn : Korakorum.
Plus au nord encore, en remontant en direction du Parc National, (photo aérienne prise sur Google Earth et reproduite plus loin, encadrement doré), on peut distinguer, vues du ciel, les traces d’une autre cité, plus ancienne, pré-mongoles, d’origine turque, construite par les Ouïghours : la cité de Khan Balgasin Tuur datant du VII ème siècle (ancêtres des Ouïghours, présents aujourd’hui dans la région du Xinjiang, plus au sud, en Chine).

On s’étonnera que Stanley ne soit pas sur la photo …- peut-être, est-ce lui le photographe ?
🙂
Cette zone se situe à environ 30 km au nord-est de Karakorum (Kharkhorin) et près de la rivière Orkhon, région reconnue pour sa densité de vestiges historiques, haut lieu des civilisations nomades d’Asie centrale.
La vallée de l’Orkhon est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

On distingue très clairement vu du ciel (merci Google Earth) un réseau de structures quadrangulaires, probablement des fondations d’habitations, de bâtiments publics et de murs d’enceinte.
La mention en haut à droite “Khar Balgas / Ordu” indique l’autre nom de Ordu-Baliq, capitale des Ouïghours au VIIIᵉ siècle. La route “Arhangay” mentionnée est dans l’Aimag d’Arkhangai, à la frontière de l’Aimag d’Övörkhangai, où se trouve la vallée de l’Orkhon.
Comment faire mieux si ce n’est de convoquer l’Histoire pour expliquer comment l’inspiration vient aux hommes et d’où naissent ces destins hors normes !
« J’avais suivi le frère Guillaume sur prés de 8000 km, à travers une grande partie de l’ancien empire, jusqu’à ce lieu reculé. A cette époque, Karakorum était devenue brièvement et contre toute attente le centre du monde, sur lequel étaient braqués les regards de toutes les nations, depuis les provinces méridionales de la Chine jusqu’aux marches de la Hongrie. Le passage du temps l’avait rendu à son état naturel, celui de curiosité perdue au milieu de lointaines étendues d’herbes. J’ai éperonné mon cheval en direction de la vieille cité, afin de poser ma paume sur la pierre tiède. »
A Karakorum, Stanley doit faire halte. Son guide ne peut le mener plus loin; le fait de voir des baraquements le met mal à l’aise, « la ville lui faisait peur », la présence de murs l’étouffait, il avait hâte de repartir, rejoindre son ger du côté de Tsetserleg.
De plus, s’étant rendu compte des premières froidures du climat, Stanley comprend que son itinéraire à cheval pour rejoindre Oulan-Bator est compromis (…) les premiers signes de gel font leurs apparitions dans la steppe, trouver chevaux et guide ne sera bientôt plus possible. Les jours sont comptés.
A Karakorum (Rocher Noir), « l’homme à cheval qui était à pieds » trouve un hôtel vétuste, avec au fronton, « une étoile rouge pâlie comme un tatouage qui refusait de disparaitre » et inspecte la ville … du moins, ce qu’il reste de ses grandeurs passées.
C’est ici que Temüjin Borjigin devenu Gengis Kahn au XIII ème siècle, établit son camp de base. Son fils Ögedeï qui lui succéda, en fit sa capitale.
L’Empire Mongol règnera sur d’immenses territoires, de Kiev en Ukraine jusqu’à la Mer du Japon…
De visu l’étendue de l’Empire Mongol sous Möngke, le petit fils de Gengis Kahn.
Cette « ville de Karakorum n’a eu que quelques décennies d’existence. Dés 1260, de nouvelles capitales d’hiver et d’été avaient été crées, à Pékin et Chang-tou et Karakorum sombra dans un long déclin. Au XVI ème siècle, ses ruines servirent à édifier une des premières lamaseries bouddhistes de Mongolie, Erdeni Dzou, enclose de longs murs blancs crénelés de stupas, laquelle a survécu jusqu’à aujourd’hui » … de plus, bien des siècles plus tard, pour parfaire le tableau, les purges des années 1930 sous domination soviétique font disparaitre prés d’une centaine de temples et des milliers de moines.
Les quelques bâtiments encore debout (quatre) se sont transformés en Musée en 1965.
La lamaserie de Erdeni Dzou.
Visitant Erdeni Dzou (reconverti en Musée), Stanley ne voit que de petits objets de pacotille.
« Quand les Mongols se sont convertis au bouddhisme, les lamas ont annoncé la conversion simultanée et fort opportune d’un grand nombre d’anciens esprits, qui ont ainsi pu reprendre du service dans ce qui est l’un des panthéons les mieux peuplés du monde. »
Sa conclusion est carrée : si « les Mongols firent une superbe entrée sur la scène mondiale, sortant sans crier gare des ténèbres de la lointaines Asie pour s’avancer sous les projecteurs de l’histoire, au cours d’une seule saison, leur sortie de scène fut tout aussi mystérieuse. Pendant deux siècles, ils jouèrent les premiers rôles sur le théâtre politique universel, mais, quand ils disparurent, on n’entendit plus jamais parler d’eux. Vous aurez beau sillonner l’Asie sur toute la largeur, vous n’y trouverez pas la moindre trace physique de l’Empire mongol. »
Digression.
Très souvent, à la lecture de « l’Empire du vent », les paysages de Mongolie font penser à certaines oeuvres du peintre américain Maynard Dixon qui s’est intéressé au sort des indiens comme aux somptueux paysages de l’Ouest américain … et il y a quelques raisons à vouloir comparer ces grands espaces, occupés par ces nomades ou semi nomades, mongols comme Navajos ou Apaches et souhaiter comprendre pourquoi ces lieux naturels deviennent sacrés aux yeux de ceux qui y vivent, conceptualisant cette notion de « Terre-Mère« , reliant l’homme à l’errance et à l’esprit de la nature, où le vent, les nuages, la pluie, les rivières, les montagnes sont porteurs de sens dramatique autant que spirituel.
Je ferai encore remarquer une autre évidence aux lecteurs qui suivent assidument ces épisodes du voyage en Mongolie de Stanley Stewart, à savoir que ces grands paysages américains qui ont nourri Hollywood et son cinéma, se sont exportés partout sur la planète avec le succès que l’on sait, au fur et à mesure que les conditions matérielles en permettaient une large diffusion.
Curieux phénomène, tout de même, lorsqu’on y repense, que ce commerce fleurissant du grand écran, nous amenant à faire la queue devant un guichet, acheter un ticket pour venir s’enfermer dans une salle obscure et y admirer sur écran, des images et des récits de ces grands espaces …
Le distributeur de billet donnant accès aux images de ces grands espaces, fonctionnant comme un point de passage où l’on se rend, devant lequel on fait la queue comme le cavalier errant qui s’arrête sur ces Ovoo pour y déposer une pierre, un crin de la queue de son cheval ou tout autre offrande ou obole, signe d’un rite respectueux rendant hommage à l’esprit du lieu.
En Jeep de Karakorum à Oulan-Bator.
… Et sur ces friches battues par le vent, derniers vestiges de l’Histoire, Stanley et Mandah ne pouvaient que rejoindre Oulan-Bator en Jeep.
« Septembre était déjà largement entamé et l’hiver mongol était tout proche. Je voulais partir dans les monts Khenteï … où l’on dit que se trouverait la sépulture de Gengis Khan« .
En supplément :
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Galerie d’images présentes dans Google Earth en suivant la route reliant Korakorum à Oulan-Bator, empruntée par Stanley et Mandah, la traductrice.






La suite au prochain épisode.




